Singapour, sans ressources naturelles, figure aujourd’hui parmi les places financières mondiales les plus influentes. L’Irlande, longtemps surnommée le « homme malade de l’Europe », a multiplié son PIB par quatre en trente ans. À l’inverse, plusieurs économies riches en matières premières stagnent ou régressent depuis des décennies.
Les trajectoires économiques varient radicalement selon les choix politiques, la stabilité institutionnelle et la capacité d’adaptation aux mutations mondiales. Les modèles traditionnels sont régulièrement remis en question par des réussites inattendues ou des échecs retentissants.
Comprendre les fondements du développement économique d’un pays
Impossible de miser sur le hasard pour espérer un essor économique solide. Derrière chaque croissance durable, on retrouve des décisions réfléchies, un regard lucide sur ses propres forces et faiblesses. Alain Bentejac, à la tête du Comité national des conseillers du commerce extérieur (CNCCEF), rappelle que le commerce extérieur français, longtemps sous-exploité, représente un levier déterminant. La France, désormais septième exportatrice mondiale, doit impérativement muscler sa compétitivité et ranimer ses ambitions à l’international, sans quoi son rayonnement s’effritera.
Plusieurs organismes internationaux jouent un rôle dans la structuration de ces stratégies. Voici comment ils interviennent :
- La Banque mondiale propose diagnostics pointus et accompagnement sur mesure pour aider les gouvernements à faire fleurir des pôles de croissance ou bâtir des zones économiques spéciales.
- La CNUCED pointe la fragilité des économies africaines trop centrées sur l’exportation de matières premières, insistant sur la nécessité de diversifier les activités pour gagner en stabilité.
- L’ONU a conçu l’indice de développement humain (IDH) et défini les Objectifs de développement durable (ODD), de nouveaux repères pour orienter les politiques publiques vers plus de cohérence et d’efficience.
Marc Hoffmeister, dirigeant de Classe Export, met en garde : le protectionnisme n’est pas la planche de salut pour les entreprises françaises. De son côté, Laurent Satre, spécialiste du marché nord-américain, constate que la compétitivité industrielle outre-Atlantique s’appuie sur une main-d’œuvre flexible, peu coûteuse, et peu encline à adopter les innovations françaises. S’adapter au terrain, anticiper les transformations, investir dans l’innovation : voilà les ressorts de tout développement économique qui tient la route.
Les institutions internationales, Banque mondiale, ONU…, fournissent des indicateurs fiables pour jauger les politiques économiques. L’IDH, par exemple, dépasse la seule croissance du PIB : il englobe santé, éducation, qualité de vie. De quoi rappeler que la réussite ne se mesure pas uniquement à la production nationale, mais à l’ensemble des progrès humains engrangés sur le temps long.
Quels facteurs déterminent réellement la réussite économique à l’échelle nationale ?
Les exemples abondent : pas de recette unique pour transformer l’économie d’un pays. Le Botswana, souvent cité, a su convertir la découverte de ses diamants en moteur de croissance et de modernisation. Un fonds souverain, des investissements dans la formation, la santé, la défense, le tourisme et l’industrie : cinquante ans plus tard, son revenu national quadruple, la pauvreté recule, l’IDH grimpe.
À l’inverse, s’appuyer sur une seule ressource expose à des risques majeurs. Le Venezuela ou la Zambie, figés dans leur dépendance au pétrole ou au cuivre, peinent à enclencher la diversification. Le Liberia reste accroché au caoutchouc. Quand la Chine a bouleversé les marchés mondiaux en 2003, nombre de ces économies ont vacillé, leur fragilité mise à nu.
La réussite passe alors par la diversité des secteurs, l’innovation continue et la valorisation du capital humain. Miser sur une main-d’œuvre qualifiée, via des programmes de formation ciblés, dope l’innovation et la compétitivité. Du Japon aux « quatre dragons » asiatiques, l’histoire montre que tout succès durable repose sur des investissements massifs dans l’éducation, la recherche, la montée en compétences. Les pays qui privilégient la formation enclenchent un cercle vertueux : ils attirent les investissements, créent des emplois, et se montrent plus résistants face aux crises.
On repère ainsi plusieurs leviers d’action pour bâtir une économie robuste :
- Investir dans la formation et la santé : stimuler la productivité et l’innovation.
- Diversifier les exportations : sécuriser la croissance et amortir les chocs extérieurs.
- Développer des secteurs porteurs : industrie, services, tourisme, autant de pistes pour élargir la base économique.
Il n’y a pas de raccourci : seule une analyse précise, des choix adaptés et une mise en œuvre cohérente permettent de construire une économie à l’épreuve des changements du monde.
Des stratégies éprouvées : exemples et leçons tirées de trajectoires internationales
Le Japon, pionnier du modèle du « vol d’oies sauvages », en offre une démonstration éclatante. Ce schéma, pensé par Akamatsu, s’appuie sur une industrialisation graduelle pilotée par l’État. S’inspirant de la théorie du « protectionnisme éducateur » de Friedrich List, le pays collabore avec les zaibatsu puis les keiretsu, bâtit une industrie solide, et bénéficie du soutien américain après la guerre. Cette dynamique inspire la Corée du Sud, Taïwan, Singapour : les Nouveaux Pays Industrialisés d’Asie misent sur une croissance rapide, la productivité et l’innovation.
En Corée du Sud, la croissance du PIB atteint des sommets, 8,8 % par an entre 1965 et 1973. Le pays multiplie les investissements en R&D, infrastructures, éducation. L’aide extérieure, couplée à un compromis social fort, fait émerger une compétitivité durable. Singapour, quant à elle, abandonne l’industrie textile pour devenir une place financière de premier plan, exportant désormais services bancaires et assurances.
Du côté des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), la stratégie conjugue ouverture aux marchés mondiaux, valorisation des ressources, innovations institutionnelles. Le Rwanda, exemple plus récent, choisit la stabilité institutionnelle et le numérique comme piliers de sa transformation économique. Chaque trajectoire illustre un art de s’adapter à la mondialisation, de repérer les secteurs prometteurs, et de bâtir une cohérence stratégique pour transformer la donne nationale.
Plusieurs axes se dégagent parmi ces stratégies gagnantes :
- Protectionnisme éducateur : accompagner l’industrialisation jusqu’à maturité.
- Investir dans l’innovation : se démarquer dans la compétition globale.
- Stabilité institutionnelle : attirer capitaux et talents sur la durée.
Défis actuels et pistes d’innovation pour un développement durable et inclusif
La croissance économique, seule, ne suffit plus. Les États sont désormais confrontés à une double exigence : dynamiser le marché tout en assurant la justice sociale. La Banque mondiale insiste sur un point : la croissance à l’échelle des territoires est devenue décisive. Il s’agit de stimuler l’investissement local, de créer des emplois qui durent, de renforcer l’efficacité industrielle. Les zones économiques spéciales et les pôles de croissance deviennent de véritables laboratoires, où se testent de nouveaux modèles alliant innovation et inclusion.
L’industrie manufacturière conserve un rôle central. En vingt-cinq ans, elle a permis à dix pays sur treize étudiés par la Banque mondiale de maintenir une croissance vigoureuse. Ce secteur attire capitaux et compétences, structure les chaînes de valeur. Mais la transition écologique impose une refonte profonde : sobriété énergétique, relocalisation des filières, montée en gamme des productions.
La diversification sectorielle reste un atout décisif. L’agro-industrie, qui fait vivre 63 % des personnes les plus modestes dans le monde, mérite toute l’attention des politiques publiques. La soutenir, c’est conforter la sécurité alimentaire et renforcer les territoires ruraux. Quant au tourisme, il pèse 9 % du PIB mondial et génère des emplois pour les jeunes et les femmes, revitalisant des régions entières trop longtemps laissées de côté.
Voici quelques axes d’action concrets pour bâtir un développement plus inclusif :
- Relancer la croissance par la formation et l’innovation.
- Renforcer l’inclusion sociale grâce à des politiques ciblées et ambitieuses.
- Déployer des stratégies locales pour réduire les écarts entre les territoires.
Le défi est clair : imaginer des stratégies de développement durable qui correspondent aux réalités sociales, économiques et écologiques de chaque région. Cela passe par une analyse minutieuse des potentiels, la construction de diagnostics partagés et l’audace d’expérimenter. Au fond, chaque pays qui réussit trace sa propre route, et c’est dans cette capacité d’invention que réside la promesse d’un avenir prospère.


