Économie circulaire : H&M, exemple d’entreprise engagée pour l’environnement ?

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Jeune femme pliant du denim dans une usine de recyclage textile

En 2013, le groupe H&M lançait un programme mondial de collecte de vêtements usagés dans ses boutiques, invitant ses clients à rapporter n’importe quelle marque de textile. Les volumes récupérés atteignent aujourd’hui plusieurs dizaines de milliers de tonnes chaque année.

Malgré cette opération d’envergure, H&M reste l’un des principaux acteurs de la fast fashion, un modèle économique connu pour ses impacts environnementaux négatifs. Les initiatives de durabilité du groupe suscitent donc autant d’espoirs que de doutes au sein de l’industrie textile.

Économie circulaire et fast fashion : le défi d’une industrie en pleine mutation

La fast fashion souffre d’une contradiction permanente. H&M, Zara, ASOS, Uniqlo… Ces enseignes déversent chaque mois de nouvelles collections sur le marché, accentuant une surproduction devenue presque vertigineuse. Entre 2000 et 2014, la quantité de vêtements fabriqués dans le monde a doublé. Et pourtant, à peine une infime fraction de ces textiles retrouvera la vie sous la forme de nouveaux vêtements : moins de 1 %, selon la Ellen MacArthur Foundation.

Face à cette réalité, les grandes marques, dont H&M, affichent aujourd’hui leur volonté d’intégrer les principes de l’économie circulaire. Matériaux dits « éco-responsables », recyclage, services de location ou de réparation… Les initiatives fleurissent, souvent plus visibles que décisives. H&M propose quelques collections mêlant matières recyclées, une timide tentative pour faire bouger les lignes. Mais dans les faits, ce virage reste modeste : à peine 20 % des pièces commercialisées misent sur le recyclé, quand le reste du catalogue s’appuie encore largement sur des fibres synthétiques, polyester en tête.

En France, des lois nouvelles interdisent de détruire les invendus et obligent à afficher l’impact écologique des produits. L’industrie se retrouve alors contrainte d’adapter ses pratiques, sous le regard désormais attentif des consommateurs mais aussi des ONG et des créateurs qui dénoncent le « greenwashing » ambiant. Des designers africains, notamment au Ghana ou au Kenya, récupèrent les surplus textiles venus d’Europe pour leur donner une seconde dynamique économique, bien loin de la lumière occidentale.

H&M, pionnier ou suiveur ? Décryptage de ses engagements pour l’environnement

H&M se veut acteur du changement. Dès 2011, l’entreprise lance la gamme Conscious, affichant l’ambition d’une mode alignée avec les enjeux environnementaux. Cap fixé : 100 % de matières durables ou recyclées en 2030, neutralité carbone attendue pour 2040. Sur le papier, l’ambition rivalise avec celle des autres poids lourds du secteur.

Dans les faits, le groupe a multiplié les dispositifs : gestion de la collecte de vêtements en magasin depuis 2013, développement de la seconde main à travers différents projets, appui sur quelques partenariats axés sur la biodiversité. En 2020, cela représente près de 18 800 tonnes de textiles collectés à travers le monde. Au sein de l’entreprise, la stratégie est pilotée par une équipe dédiée au développement durable, incarnée par des figures comme Julie-Marlène Pelissier ou Anna Gedda.

Mais la vraie question persiste. H&M innove-t-il vraiment ou suit-il le mouvement impulsé par ses rivaux ? Le pourcentage de matières recyclées dans ses collections stagne aux alentours de 20 %. Les fibres synthétiques, souvent recyclées mais issues du pétrole, restent omniprésentes. Du côté de la transparence, le groupe essaie de rassurer, communique abondamment sur ses engagements et sur la traçabilité, mais certains labels ou dispositifs laissent sceptiques.

La gestion des stocks et la réduction des invendus figurent désormais parmi les priorités, renforcées par des outils numériques avancés. La société mise aussi sur des partenariats avec des acteurs associatifs pour renforcer la dimension sociale de son engagement. Malgré ces efforts, la transformation d’un modèle fondé sur la production massive et la consommation accélérée reste un objectif lointain.

Collections « Conscious » et recyclage textile : quelles avancées concrètes chez H&M ?

La collection Conscious, apparue en 2011, symbolise la volonté de H&M de placer le recyclage et l’éco-conception au centre de l’offre. L’objectif affiché : privilégier l’utilisation de fibres recyclées, baisser l’empreinte écologique, amorcer la transition vers une économie circulaire. Mais lorsqu’on analyse les résultats, le décalage avec l’affichage est net.

Selon les chiffres de la marque, la collecte de textiles usagés, lancée en 2013, a permis de réunir 18 800 tonnes de vêtements rien qu’en 2020. Une partie de ces vêtements quitte l’Europe pour l’Afrique, Ghana, Kenya, Ouganda, où leur sort reste incertain : réutilisation sur place, recyclage dans des circuits opaques, enfouissement ou destruction faute de débouchés. Ces marchés saturés peinent à assimiler le flot incessant de vêtements venus d’ailleurs.

Difficile aussi d’ignorer que moins d’un vêtement sur cinq chez H&M utilise des fibres recyclées. Les collections « Conscious » n’échappent pas à la domination des fibres synthétiques. La seconde main ou le développement de la location restent, pour l’instant, anecdotiques comparés au volume global d’articles produits chaque année.

Les ambitions ne manquent pas, les obstacles non plus : surproduction, dépendance au polyester et autres matières issues du pétrole, externalisation de la gestion des vieux textiles. Le terrain de la mode durable, H&M s’y aventure, mais la route s’annonce longue et semée d’embûches.

Groupe de trois personnes triant des vêtements en extérieur

Entre progrès réels et zones d’ombre : quel impact pour la mode durable selon H&M ?

À la lecture des engagements du groupe, publications régulières des rapports environnementaux, objectifs de neutralité carbone, annonces répétées, difficile de nier la volonté de projeter une image de marque tournée vers la durabilité.

Mais sur le terrain, le manque de transparence sur l’origine des matières premières, notamment le coton, ou la localisation des sites de production reste problématique. Plusieurs ONG, designers et collectifs comme Fashion Revolution dénoncent une communication trop optimiste, voire trompeuse sur les conditions sociales dans la chaîne d’approvisionnement. Soupçons récurrents concernant les droits humains, travailleurs sous-payés, imbroglio autour du travail des Ouïgours au Xinjiang, ou pratiques peu respectueuses de l’environnement : la suspicion perdure sous les promesses.

L’obsession de la croissance pèse, y compris lors des grands rendez-vous commerciaux. Les campagnes de collecte ou l’ajout de matières recyclées restent peu de chose face aux montagnes de vêtements produits chaque année. D’ailleurs, l’économie circulaire promue par H&M pèse encore bien peu dans l’immensité du marché : la fameuse collecte de 18 800 tonnes ne pèse presque rien à côté des volumes globaux du secteur. Pendant ce temps, la production continue d’augmenter et le recyclage réel stagne à moins de 1 % des textiles mondiaux.

Changer la donne demanderait une rupture franche avec le modèle actuel. Pour l’heure, H&M et les autres grands groupes avancent, pas à pas, entre innovations concrètes et limites structurelles. L’avenir dira si le secteur saura dépasser le simple discours pour inventer enfin une mode qui ne s’épuise pas elle-même.